Bete_du_Gevaudan.jpgNous sommes en 1764. Louis XV dirige la France depuis une cinquantaine d'année. La guerre de 7 ans contre l'Angleterre est finie, mais elle a saigné les forces vives du pays et beaucoup de colonies ont été perdues. Les caisses du Royaumes sont vides et la popularité du Roi en berne. Pendant que les philosophes diffusent peu à peu leurs idées libertaires, la Cour s'intéresse aux phénomènes inexpliqués et aux sciences occultes. Et dans les campagnes, la superstitions règne en maître, et la religion est omniprésente, donnant aux prêtres un pouvoir important.

Perdu dans le Massif Central, le Gévaudan est une province enclavée, placée sous la direction de l'intendant Etienne Lafont, qui est un ami du Roi. Le climat y est rude et les conditions de vie difficiles. Il n'est pas rare de se faire attaquer par des bêtes sauvages.Et c'est dans ce pays difficile que commence à frapper la Bête. Plusieurs témoignages de gens attaqués et qui ont survécu la décrivent comme ressemblant à un loup,mais avec une tête plus grande, plus effilée, et une raie noire sur le dos.

La multiplication des attaques va créer la panique. La bête attaque dans les prés, sur les chemins, et jusque dans les jardins aux abords des maisons. Les gens ne se sentent plus en sureté nul part, et toute cette histoire finit par attirer l'attention des autorités. Les premières battues improvisées ne donne rien. La bête semble insaisissable. Invisible pendant les battues, elles attaque de plus belle dès qu'elles sont finies.

Le 15 septembre 1764, les dragons apportent leur aide, dirigés par le capitaine Duhamel. Celui-ci fait armer les paysans et organise plusieurs battues dans la forêt de Mercoire. Mais rien n'y fait, pas de trace de la Bête. En octobre, une nouvelle série d'attaques, plus au sud, finit de terroriser la région. Deux chasseurs voient la bête, et lui tirent dessus. A deux reprises, elle tombe, sans doute touchée par des balles. Mais elle se relève à chaque fois et s'enfuit. Pour la première fois, la Créature est blessée, mais ça ne l'empêche pas de lancer de nouvelles attaques. A croire qu'en plus d'être sanguinaire, la Bête serait invulnérable.

La Bête est récupérée par le clergé, qui la qualifie de Fléau de Dieu, chargé de punir les pécheurs. Les appels à la prière se multiplient dans les paroisses, sans plus de résultat que les battues. Les dragons chargés d'occire l'animal se révèlent pire que le mal. Ils prennent leurs aises avec la population, ne paient pas leur logement, ni la nourriture et finissent par se faire haïr des paysans.

L'histoire a pris tellement d'ampleur que le Roi décide de la prendre en main. Il envoi dans le Gévaudan un dénommé Denneval, dont la légende prétend qu'il a tué plus de 1200 loups. Celui-ci emmène son fils et arrive au Gévaudan début avril. Ils commencent par faire déguerpir les dragons et leur capitaine, avant de lancer leurs chasses. Ils n'obtiennent pas plus de résultats que leurs prédécesseurs, et les plaintes contre eux se multiplient. Une nouvelle fois, des paysans prétendent avoir touché la bête à coups de fusil. Et une nouvelle fois, celle-ci s'est relevé après être tombée et a repris ses attaques.

L'histoire se répand dans toute l'Europe, et les journaux anglais se moquent de la France et donc du Roi, qui ne parvient pas à tuer un simple animal. Celui-ci doit agir avant de devenir la risée de ses pairs. Il envoie donc au Gévaudan son porte-arquebuse, François Antoine, accompagné de capitaines de la Garde Royal et de garde chasse royaux.

En septembre 1765, après de nouvelles chasses infructueuses et de nombreuses attaques, la Bête est signalée près de l'abbaye des Chazes, à coté de Saint Julien des Chazes. Bien qu'elle n'ait jamais été signalée là bas auparavant, François Antoine décide de s'y rendre. Il fait cerner le bois et lance la traque. François Antoine la verra le premier, il tire touche la Bête qui s'écroule,mais se relève et l'attaque. Un deuxième tireur fait feu et cette fois-ci la Bête sécroule, morte. Il ne s'agit en fait qu'un d'un gros loup, comme François Antoine l'a toujours pensé. Il fait embaumé la Bête et envoie son fils Antoine de Beauterne porter la dépouille au Roi. François Antoine poursuit la chasse pour tuer une louve et ses louveteaux qui résidaient dans le bois.

La Porte-arquebuse retourna à Versailles, auprès du Roi, qui le félicita pour son talent. Il eut le droit d'ajouter à ses amoiries un loup mourant, représentant la Bête. Officiellement, s'en est fini de la Bête, le Gévaudan est libéré de son fléau.

Cela dure jusqu'à début de l'année 1766, avec la reprise des attaques. D'abord sporadiques, celle-ci se font de plus en plus nombreuses. En juin 1767, pendant un battue organisée par le Marquis d'Apcher, un dénommé Jean Chastel voit passer la Bête devant lui, épaule son fusil, et tire. Il la touche à l'épaule et celle-ci est suffisamment gravement blessée pour ne pas pouvoir s'enfuir. Ce sont les chiens du marquis qui vont l'achever. Il est à noter que Jean Chastel avait fabriqué ses balles en fondant ses la médailles de la la Vierge Marie, et qu'il les avait fait bénir lors d'un pèlerinage. Une histoire dont s'emparera l'Église pour justifier de la mort du Fléau de Dieu.

La bête reste exposée une douzaine de jours chez le Marquis d'Arche, puis Chastel va l'emmener à Versailles. Malheureusement, la Bête n'a pas été empaillée correctement. On s'est contenté de vider ses entrailles et de les remplacer par de la paille. Arrivée à Versailles, elle est en pleine putréfaction et dégage une odeur insoutenable. Le Roi refuse de voir la charogne, et c'est Georges-Louis Leclerc de Buffon, un grand scientifique reconnu à la Cour, qui se charger de l'identifier. Il déclare qu'il s'agit d'un loup et la fait enterrer dans un jardin du Château. Jean Chastel ne sera jamais reconnu par le Roi comme le véritable tueur de la Bête et n'en sera pas récompensé.

La Bête a définitivement disparue et on n'en a gardé aucune trace.